Par Michael Brenner
« Ne vous laissez pas faire, ni priver de vos libertés sous couvert de politesse, de décence ou de tact. Ces termes, bien souvent, ne sont que les trois autres noms de l'hypocrisie, la fourberie et la lâcheté ».- John Adams, 2è président des États-Unis
Par Michael Brenner est professeur émérite d'affaires internationales à l'université de Pittsburgh et membre du Center for Transatlantic Relations à la SAIS/Johns Hopkins.
Les victimes de crimes odieux méritent d'être commémorées. Il en va de même pour ceux qui les ont courageusement protégées. Le génocide perpétré par Hitler est en effet solennellement reconnu dans d'importants mémoriaux commémoratifs - à Berlin, en Russie à Babi Yar, à Washington. Les héros et héroïnes qui ont risqué leur vie pour sauver des âmes innocentes sont honorés à Yad Vashem en Israël.
Le respect dû à l'humanité et l'opinion de l'humanité nous obligent à honorer de la même manière ceux qui ont lutté contre le massacre des Palestiniens, qui ont cherché à soulager leurs souffrances et qui ont dénoncé les atrocités commises à leur encontre par les Israéliens. Dans ce cas, il n'y a pas eu d'actions physiques directes de la part d'étrangers, car les victimes sont inaccessibles.
Néanmoins, ils constituent des exemples remarquables d'intégrité et d'empathie qui transcendent les frontières étroites de l'ethnicité ou de la nationalité. Pour ce faire, ils ont résisté aux pressions intenses exercées de toutes parts pour qu'ils se conforment ou se taisent. Certains ont payé le prix de cette témérité. Au contraire, ils ont estimé qu'il était impératif de mettre en lumière les horreurs commises à Gaza et de témoigner de la conduite éhontée de leurs bourreaux.
Photographie d'une affiche appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, en Palestine. Prise à Grenoble, en France, en août 2025. (CiDiBi/ Wikimedia Commons/ CC BY-SA 4.0)
Je ne connais pas un seul cas où des Juifs israéliens auraient secouru des Arabes. Il est vrai que les Gazaouis et les Israéliens juifs ne se côtoyaient pas, les premiers étant déjà séparés dans un camp de concentration virtuel. En Cisjordanie, cependant, le nettoyage ethnique violent en cours aurait pu donner lieu à des actes de décence, mais aucun ne semble s'être produit.
Ce n'est pas ici le lieu d'identifier individuellement ces personnes vertueuses. Toute tentative d'établir une liste risquerait en effet d'en oublier certaines qui le mériteraient. D'ailleurs, elles sont bien connues, d'autant plus qu'elles sont relativement peu nombreuses. Parmi eux figurent d'anciens ambassadeurs américains dont les réalisations exceptionnelles ont marqué l'histoire du siècle dernier, des commentateurs courageux et des journalistes indépendants qui ont saisi l'opportunité offerte par les médias électroniques alternatifs pour dénoncer les abus de pouvoir et les arguments fallacieux, ainsi que ceux qui ont relayé le rapport accablant de Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés.
Les milliers d'étudiants qui ont manifesté leurs convictions, estimant que les idéaux américains et les principes humanistes universels exigent l'arrêt des massacres, méritent une place d'honneur. Ils ont été cruellement trahis par les hauts responsables universitaires, des eunuques moralement corrompus, qui ont préféré verser des indemnités colossales à un extorqueur dérangé et sordide se proclamant Prince de la Justice. Pourquoi ? Pour avoir toléré (brièvement) la condamnation publique de crimes odieux contre l'humanité. Parmi les manifestants du mouvement "Not in my name" [Pas en mon nom], on dénombre des centaines d'étudiants juifs dont les valeurs et la conscience ont été forgées par l'alliance du civisme américain et des idéaux hérités de leur culture religieuse.
Tout aussi condamnables sont les nombreux complices, actifs ou passifs, du génocide de Gaza. 99 sénateurs, plus de 400 représentants, les éditeurs/propriétaires/rédacteurs en chef de tous les grands médias, les présidents ou recteurs de presque toutes les universités et facultés du pays, les directeurs de fondations, les think tanks, les ecclésiastiques muets, les associations professionnelles inertes de la société civile américaine tant vantée. Tous méritent une part de responsabilité dans le comportement génocidaire de notre pays. Ils porteront à jamais la marque de leur infamie.
Où ces monuments commémoratifs devraient-ils être placés ? Les endroits les plus appropriés sont la pelouse sud de la Maison Blanche, la rotonde du Capitole, la cour du Département d'État, le 251 H Street à Washington, le hall d'entrée du bâtiment du New York Times, Harvard Square et l'université Columbia.
Par Michael Brenner, 7 septembre 2025
Michael Brenner est professeur émérite d'affaires internationales à l'université de Pittsburgh et membre du Center for Transatlantic Relations à la SAIS/Johns Hopkins. Il a été directeur du programme de relations internationales et d'études mondiales à l'université du Texas. Brenner est l'auteur de nombreux ouvrages et de plus de 80 articles et publications. Ses travaux les plus récents sont : Democracy Promotion and Islam (Promotion de la démocratie et islam) ; Fear and Dread In The Middle East ; Toward A More Independent Europe ; Narcissistic Public Personalities & Our Times. Il a publié des ouvrages chez Cambridge University Press (Nuclear Power and Non-Proliferation), au Center For International Affairs de l'université Harvard (The Politics of International Monetary Reform) et à la Brookings Institution (Reconcilable Differences, US-French Relations In The New Era).
Source: scheerpost.com