par François Meylan
Suite aux «ratonnades» des 12 et 13 juillet à Torre Pacheco, autonomie de Murcie en Espagne, de nombreux médias d'Europe ont publié des titres suggérant que l'Espagne était raciste : «Attaques racistes à Torre Pacheco» ; «Violences anti-immigrés» ; ou encore «L'Espagne face à la xénophobie».
Sur le terrain, la réalité semble bien différente, mais tout aussi inquiétante. Votre serviteur vient de passer quelques jours sur place à sonder cette communauté. En premier lieu, il apparaît que les «émeutiers» venaient de l'extérieur de Torre Pacheco. On a aussi noté la présence d'immigrés marocains de la ville voisine de La Palma, à cinq kilomètres de là. Vraisemblablement, ils sont venus en aide à leurs compatriotes visés par les ratonnades.
Bien que tout ait commencé par un fait divers : Domingo, retraité de 68 ans, qui fut agressé par un jeune immigré sous l'emprise de produits stupéfiants. Et non comme l'a commenté, sur les réseaux sociaux Daniel Estève, dirigeant de Desokupa, entreprise d'expulsion de squatters. Qui comme d'autres promoteurs de fausses nouvelles expliquait qu'il était question d'un «concours» sordide impliquant trois agresseurs qui consistaient filmer la baston à l'encontre du malheureux retraité pour ensuite faire le buzz avec la vidéo sur TikTok. Les fakes news se sont aussitôt multipliées. Ce fut la même chose pour les appels à la haine et à la violence. Les coordonnées privées de membres de ma communauté marocaine ont été balancées sur les réseaux sociaux. Alors que ceux-ci n'étaient en rien impliqués dans l'agression de Domingo.
Pour sa part, le porte-parole local du parti politique islamophobe VOX José Francisco Garre a ajouté de l'huile sur le feu.
Quand quelques jours plus tard, le maire de Torre Pacheco Pedro Ángel Roca, du Parti populaire (PP), convoque une manifestation contre la violence alors que tout se calmait s'était comme allumer la mèche du baril de poudre : «Il a appelé au calme tout en demandant des renforts policiers et en demandant aux immigrés de ne pas descendre dans la rue pendant la manifestation. Il a donné l'impression de pointer du doigt les responsables de l'agression». (1)
On connaît la suite. Utilisation intensive des réseaux sociaux. Inflation de fausses informations et incitation à la haine et à la violence. Cependant, il est clair que la cible à Torre Pacheco est l'État espagnol en particulier, et pas seulement sa politique migratoire, qui dépend essentiellement de Bruxelles. Récemment, Madrid a pris des décisions courageuses contre les auteurs de crimes contre l'humanité en Cisjordanie et à Gaza. De plus, le gouvernement de Pedro Sánchez a réaffirmé sa position souverainiste en annulant le renouvellement, au profit de l'industrie de l'armement américaine, de la flotte d'avions de chasse espagnols. Ce a qui a provoqué la colère des États-Unis. Madrid s'est fait de puissants ennemis outre-Atlantique et au Moyen-Orient. Le palais de la Moncloa est dans sa ligne de mire. Un rappel historique et géopolitique s'impose. Jadis, le dictateur Franco déjà était hostile à l'État d'Israël qu'il n'a jamais reconnu.
Au contraire, le Maroc est un allié inconditionnel de l'État hébreu et a trahi tous les pays arabes avant et pendant la guerre des Six Jours (5-10 juin 1967), permettant à Israël de gagner. (2)
En contrepartie, feu le roi Hassan II a obtenu l'élimination physique de ses opposants, exilés à l'étranger. Ainsi qu'une coopération sécuritaire et technologique étendue avec l'État hébreu. Tout indique que son fils, Mohammed VI, persévère dans la même voie.
La médiatisation de ces événements ne profite qu'à VOX (dont les thèmes de prédilection sont la lutte contre l'immigration, l'ordre et l'identité) et à ses alliés. (3)
VOX, comme Rabat, se range du côté de l'État hébreu contre le régime des mollahs à Téhéran et n'hésite pas à s'allier aux opposants iraniens les plus extrémistes qui pour certains sont taxés de mouvements terroristes par Washington et par quelques chancelleries occidentales.
Ces protagonistes n'ont probablement aucun lien de filiation mais ils partagent une vision du monde commune. Elle se résume à un soutien indéfectible à la politique israélienne. Ils ont un ennemi commun : le gouvernement espagnol actuel.
Aujourd'hui, le Maroc utilise les flux migratoires contre l'Espagne. Or, les «émeutiers» des 12 et 13 juillet 2025 n'étaient pas originaires de Torre Pacheco. Ils ont utilisé un fait divers pour déstabiliser l'ordre établi et nuire à l'image de l'Espagne sur la scène internationale. Les enjeux dépassent largement les limites de cette modeste ville de moins de 40 000 habitants. Où les immigrés sont bien intégrés.
Hier, c'était Torre Pacheco... Demain, ce sera où ? Qui se cache derrière la propagande et les actions de ces émeutiers-casseurs ?
Les autorités sont-elles préparées ? Certainement, mais probablement pas suffisamment. Telles sont les questions clés.