26/08/2025 europalestine.com  5min #288424

Des salariés de Météo-France exigent la fin des partenariats avec Israël

Depuis plusieurs mois, le syndicat CGT de Météo-France demande l'arrêt des partenariats avec Israël pour dénoncer la guerre en Palestine et le fait qu' Israël se servirait de données météorologiques européennes à des fins militaires.

Pour cibler ses bombardements et ses tirs de missiles, l'armée israélienne peut s'appuyer sur des données météorologiques européennes. Une situation à laquelle ne se résigne pas le  syndicat CGT de Météo-France, qui tente depuis fin 2024 de faire réagir la direction du service de météorologie français, pour la pousser à prendre position sur les partenariats en cours avec Israël.

Les armées utilisent en effet les données météorologiques pour programmer les vols d'hélicoptères et d'avions, calculer les trajectoires de missiles, planifier les déplacements des troupes au sol, etc. « Pour l'armée israélienne, comme pour toutes les armées dans le monde, ces données et ces précisions sont indispensables pour mener des opérations militaires », analyse le prévisionniste et secrétaire de la CGT Clément Testa.

La météo israélienne dépendante des partenariats européens

Au Météopole de Toulouse - le premier campus européen de météorologie et le cœur opérationnel de Météo-France -, Clément Testa, contacté par Reporterre explique que les services météorologiques israéliens sont même « considérés comme des services européens ».

Pour prévoir le temps à venir, les services doivent connaître la météo en temps réel, partout sur la planète. Ces données brutes sont ensuite intégrées à un supercalculateur qui leur permet d'obtenir des prévisions précises. Ces infrastructures, prisées par les puissances mondiales, sont rares, souligne le prévisionniste : « Il n'existe pas beaucoup de supercalculateurs météorologiques dans le monde, et de nombreux pays n'en sont pas dotés - c'est le cas d'Israël. Ces pays comptent sur la coopération européenne pour avoir accès aux prévisions issues de ces supercalculateurs. Israël a notamment accès aux données du supercalculateur européen de l'ECMWF. »

La France est un poids lourd européen dans ce domaine, avec  deux supercalculateurs situés sur le site de Météo-France à Toulouse. Ils sont classés parmi les 500 plus puissants au monde.

Envoyer des avions, des missiles...

La météorologie a aussi son importance pour l'emploi de certaines armes. « Les conditions atmosphériques (vent, température, humidité, pression...) ont un impact direct sur la trajectoire des projectiles d'artillerie et de l'armement de précision. Les spécialistes du tir doivent intégrer ces paramètres pour calculer les corrections nécessaires », explique le CISMF.

Si en France les services de météorologie civile et militaire sont séparés, ce n'est pas le cas dans tous les pays. « En Israël, par exemple, les prévisions de l'IMS servent directement à Tsahal », résume Clément Testa.

Pour le syndicaliste, la suspension des partenariats et de l'accès aux données du supercalculateur compliquerait certaines opérations militaires menées par Israël. « Ils perdraient en précision de tir pour leurs frappes aériennes. Pour tirer des missiles à plus de 250 km, comme cela a été le cas en Iran, l'État hébreu a besoin de données météorologiques extrêmement précises, assure-t-il. S'ils n'avaient plus accès aux modèles de prévision européens, ils seraient dans l'obligation d'activer en urgence un nouveau partenariat dans ce domaine - avec les États-Unis, par exemple. »

Un fonds européen sous les radars

La CGT-Météo France demande également la suspension des financements d'entreprises israéliennes via le programme Horizon Europe, dédié à l'innovation et à la recherche européenne. Selon une enquête des médias belges  L'Echo et De Tijd, Israël utiliserait ce programme pour financer des projets à vocation militaire.

Depuis 2021, le fonds a versé 1,1 milliard d'euros à des partenaires israéliens, dont Israel Aerospace Industries (IAI), le plus grand groupe de défense israélien, qui a reçu près de 2,8 millions d'euros sur la même période.

Le 28 juillet, la Commission européenne  a proposé de suspendre partiellement la participation d'Israël à ce programme. La mesure concernerait les PME développant des technologies duales (civiles et militaires), telles que la cybersécurité, les drones et l'intelligence artificielle.

D'autres secteurs financés par le programme Horizon ne sont pas concernés. C'est le cas de la météorologie, alors que ce domaine est une composante essentielle de la planification et de l'exécution des opérations militaires israéliennes. L'examen de la proposition de la Commission est toujours en cours.

« Un véritable moyen de pression »

Sur le site de l'armée israélienne, un officier de la division prévision de l'armée israélienne le confirme : « Chaque activité doit être précise à 100 %... il suffit qu'un brouillard inattendu apparaisse ou que le vent se lève - cela peut décider si une mission est même possible. »  Un rapport publié par l'Institut d'études de sécurité nationale (INSS), en collaboration avec la direction du renseignement militaire israélien, souligne également la nécessité « d'intégrer des scénarios climatiques de référence [...] pour guider la planification militaire, le développement de systèmes d'armes, et l'usage des nouvelles technologies ».

La météorologie et les sciences du climat sont donc hautement stratégiques pour les services de défense israéliens, qui seraient amputés de données indispensables si la collaboration européenne venait à être suspendue.

« Appeler à l'arrêt des partenariats européens avec Israël dans le domaine météorologique ne serait pas seulement symbolique, martèle Clément Testa, secrétaire de la CGT-Météo. Cela peut être un véritable moyen de pression sur Israël pour le forcer à respecter le droit international en Palestine. »

Source :  reporterre.net

 europalestine.com