25/08/2025 journal-neo.su  6min #288382

 La fin du conflit en Ukraine est-elle en vue ? Le grand et beau sommet d'Alaska - Partie 1

La fin du conflit en Ukraine en vue ? Zelensky et les Européens à Washington à la recherche d'une sortie honorable. Partie 2

 Ricardo Martins,

Sept dirigeants européens se sont précipités à Washington sous l'étendard officiel de la solidarité avec Volodymyr Zelensky. Mais derrière cette façade, le véritable objectif n'était pas tant de réaffirmer un soutien indéfectible à l'Ukraine que de limiter les dégâts.

Alors que les négociations avancent - et que la perte de territoires ainsi que l'exclusion de l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN ont déjà été actées par Donald Trump - les leaders européens tentaient de bricoler un récit à présenter à leurs opinions publiques : comment justifier une défaite sans jamais reconnaître l'échec.

La lutte pour sauver la face

Depuis trois ans, le mantra européen se résume à : « La Russie ne peut pas gagner. » Or, sur le champ de bataille, c'est bel et bien Moscou qui garde l'avantage. La stratégie a donc consisté à marteler que la Russie, en tant qu'« agresseur », devait assumer les obligations du vaincu. Mais la réalité file dans le sens inverse : désormais, l'Europe recherche des concessions symboliques à vendre à son opinion.

L'un de ces gestes cosmétiques est le retour des enfants ukrainiens « enlevés », chiffres contestés à l'appui, mais utiles dans la communication. Un autre consiste à promettre à l'Ukraine des « garanties de sécurité » - pas l'OTAN, mais quelque chose qui puisse être présenté comme une protection. Zelensky, soucieux de complaire à Trump, a réclamé 100 milliards de dollars d'armes, financés par l'Europe mais fabriqués aux États-Unis. Le secrétaire général de l'OTAN a aussitôt repris la ligne, se posant en messager loyal de « Papa Trump »... aux frais des Européens.

Pendant ce temps, les concessions territoriales restent un tabou. Les admettre reviendrait à reconnaître la victoire de Poutine, un péché politique pour des dirigeants qui ont bâti tout leur discours sur l'inévitable triomphe ukrainien.

Le casting : Poutine absent, mais omniprésent

La plus grande absence à Washington fut aussi la présence la plus palpable. Poutine n'était pas dans la pièce, mais Trump n'a cessé d'évoquer son nom, allant jusqu'à lui téléphoner quarante minutes pendant que les Européens patientaient. À chaque mention, les visages se crispaient, révélant une impuissance diplomatique flagrante.

Comme l'a résumé  Djoomart Otorbaev, ancien Premier ministre du Kirghizstan : « Voici la vérité qui dérange : Poutine n'a pas gagné le respect de Trump dans l'ombre des tractations, mais sur le champ de bataille et à la table des négociations. Et cela en dit plus long sur le nouvel ordre mondial en gestation que toutes les rumeurs. »

Le respect de Trump pour Poutine n'a rien d'idéologique : il est né de la reconnaissance des gains russes. Les efforts occidentaux pour inverser la trajectoire du conflit ont échoué, malgré la livraison d'armes sophistiquées à Kiev.

Le début du siècle d'humiliation européen

L'arrivée précipitée des Européens à Washington - « comme au Moyen Âge, pour rendre hommage à leur seigneur » - a symbolisé une dépendance humiliante : celle de dirigeants réduits à des courtisans autour d'un président américain déjà en train de s'imaginer Nobel de la paix.

La délégation offrait le spectacle de la faiblesse. Ursula von der Leyen, au nom de la Commission européenne, a confirmé des accords commerciaux déséquilibrés : 15 % de droits de douane sur les exportations européennes vers les États-Unis, zéro sur les importations américaines, 750 milliards de dollars en achats d'énergie et d'armement, 600 milliards d'investissements européens aux États-Unis, et 150 milliards d'euros destinés au réarmement de l'UE. Un transfert massif de richesses et de souveraineté, maquillé en unité transatlantique.

Le langage corporel en disait long. Giorgia Meloni laissait percer son agacement ; Friedrich Merz demeurait figé ; Emmanuel Macron affichait son dédain ; Keir Starmer se réfugiait derrière ses notes. Von der Leyen n'esquissait qu'un sourire forcé, Mark Rutte se dissolvait dans l'insignifiance, et Zelensky - qui aurait dû incarner la figure centrale - apparaissait isolé sur le côté, digne, mais marginalisé. Face à eux, l'ancien officier du KGB et l'ancien animateur de télé-réalité, tous deux méprisés par les Européens, s'imposaient comme les faiseurs de paix. Comme l'a résumé un analyste français : « Quel cirque. »

L'impasse des garanties de sécurité

La question des garanties de sécurité est devenue le nœud du débat européen. Officiellement, les dirigeants répètent que les concessions territoriales appartiennent aux Ukrainiens. Officieusement, ils savent que la carte se redessine déjà. Reste la tentative d'offrir à Kiev des protections qui semblent crédibles - mais sans l'OTAN.

Selon  POLITICO, le principal responsable du Pentagone pour la politique a clairement indiqué que les États-Unis ne joueraient qu'un rôle minimal. « La réalité qui s'impose, c'est que l'Europe devra assumer sur le terrain », a admis un diplomate de l'OTAN. En d'autres termes : l'Europe est seule.

Les capitales européennes continuent pourtant de supplier Washington : avions de chasse stationnés en Roumanie, accès aux satellites américains pour le GPS et le renseignement. Moscou, par la voix de Mikhaïl Oulianov, a rejeté catégoriquement toute présence étrangère en Ukraine, tandis que  Sergueï Lavrov qualifiait les plans occidentaux sans la Russie et la Chine de « route vers nulle part ».

Quant à Kiev, l'enthousiasme est limité. Dix pays, dont la France et le Royaume-Uni, ont évoqué le déploiement de troupes, mais l'Ukraine considère ces propositions comme vagues, inconsistantes, et peu aptes à offrir de véritables garanties. L'ancien ministre des affaires étrangères Dmytro Kouleba a résumé l'ambiance : « Ces soi-disant garanties de sécurité sont d'une telle imprécision. La seule nouveauté, c'est que les États-Unis acceptent d'en faire partie. »

Les fractures internes de l'Europe

Alors que les dirigeants affichaient une unité de façade à Washington, les divisions internes européennes s'approfondissaient. Le Parlement européen a annoncé son intention de poursuivre le Conseil devant la justice pour avoir été écarté des négociations sur le plan de défense SAFE, doté de 150 milliards d'euros.

Signe révélateur de la fragilité institutionnelle : le Parlement a été marginalisé par la Commission d'Ursula von der Leyen, dans la précipitation à financer le réarmement. Comme l'a rapporté Euractiv, dix-huit États membres ont déjà exprimé leur intérêt pour des prêts totalisant 127 milliards d'euros. Mais sans contrôle parlementaire, le déficit démocratique européen se creuse.

En somme, la « route vers nulle part » dénoncée par Lavrov pourrait bien s'avérer prophétique, non seulement pour les garanties de sécurité promises à l'Ukraine, mais aussi pour l'autonomie stratégique de l'Europe elle-même.

Ricardo Martins - Docteur en sociologie, spécialiste des politiques européennes et internationales ainsi que de la géopolitique

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