Jérôme HENRIQUES
L'information du moment (reprise en boucle par les médias) : un groupe de 150 vacanciers israéliens, des mineurs âgés de 8 à 16 ans, se seraient vu refuser l'accès à un parc de loisir dans les Pyrénées-Orientales, alors qu"une réservation avait été faite de longue date". Le gérant du parc, qui aurait motivé son refus par "des convictions personnelles" a été placé en garde à vue pour "discrimination fondée sur la religion". Des médias mainstream reprennent ce récit, pourtant troublé par certains faits précis.
Déjà, on peut s'interroger. S'il s'agit de "convictions personnelles", pourquoi ne pas avoir refusé l'entrée du parc en amont (au moment de la réservation), plutôt que de refouler les visiteurs le jour J (ce qui allait forcément engendrer des problèmes (remboursements, conflits, mauvaise publicité...). Ensuite de quelles "convictions personnelles" s'agit-il ? De convictions anti-israéliennes (rapport au génocide en cours à Gaza) ou antisémites (liées à l'appartenance ethnique ou religieuse des enfants) ?
En parcourant les articles traitant du sujet, il apparaît que plusieurs médias reprennent les mêmes éléments à charge (les soi-disant "convictions personnelles" du gérant du parc), sans preuves, sans la moindre précaution d'usage (alors que le gérant du parc nie pour l'instant avoir tenu de tels propos). Certains médias de droite et d'extrême droite (plus quelques personnalités/partis politiques, associations : le ministre de l'intérieur, des membres de Reconquête, du Crif... n'hésitent pas à parler d'antisémitisme, alors que l'enquête n'a pas encore livré de conclusions.
Évidemment, avec quelques recherches sur internet, il ne faut pas longtemps à quiconque pour trouver le nom du parc et l'identité du gérant. De là à balancer son nom et sa photo sur internet, à l'insulter, voire même à appeler à des actions à son encontre, il y a un pas... que certains franchissent allègrement (sur les réseaux sociaux notamment). Le principe même de justice, le droit à la présomption d'innocence, à un débat contradictoire (qui doit permettre à l'accusé de donner sa version des faits), on s'en tape.
Il y a pourtant un élément troublant (soulevé par quelques internautes et facilement vérifiable). Sur la page Facebook du parc en question, on trouve un post du mercredi 20 août (soit la veille de l'incident), indiquant que le parc serait fermé le lendemain (pour vérifier les installations suite à un épisode orageux). Le parc était donc de toutes façons inaccessible le jeudi 21 août (pour les Israéliens comme les non-Israéliens). Est-il possible que ce soit la vraie raison pour laquelle les Israéliens n'ont pas pu accéder au parc ? Pourquoi cette information est-elle passée sous silence ?
Je n'aurais pas l'outrecuidance ici de dire ce qu'il s'est passé ce jeudi 21 août au parc de loisir (je n'y étais pas). Peut-être l'enquête permettra-t-elle de le déterminer. En attendant, on peut imaginer plein de choses. Par exemple, dans un contexte de tensions diplomatiques entre la France et Israël (Netanyahou accusant Macron de favoriser l'antisémitisme en voulant reconnaître l'Etat palestinien en septembre), l'hypothèse d'une tentative de déstabilisation venant de l'étranger n'est pas à exclure.
Ce n'est pas la première fois que les médias nous font des unes avec des histoires d'antisémitisme ( l'affaire des étoiles de David au pochoir vous vous rappelez ?) qui se dégonflent ensuite dans l'indifférence générale (et sans la moindre remise en question des médias concernés). Dans l'affaire actuelle, espérons que si les conclusions de l'enquête ne vont pas dans le sens du récit actuel, elles feront l'objet de la même couverture médiatique (avec en prime des excuses au gérant lésé).
Comme tous les racismes, l'antisémitisme est un problème qui doit être traité avec sérieux. Pas comme le font la plupart des médias dominants, en amalgamant critique de la politique génocidaire israélienne et antisémitisme. Il en va de la crédibilité des journalistes (même si on ne se fait plus guère d'illusion là-dessus) et de la lutte contre l'antisémitisme (le vrai), qui mérite mieux que ces raccourcis vaseux (qui alimentent l'extrême-droite).
Figaro/Retailleau
Bfm/Crif
Cnews
France 3/Observatoire des juifs de France
Un exemple de ciblage sur les réseaux sociaux (Reconquête Nouvelle Aquitaine)
Un autre exemple ici