13/07/2025 chroniquepalestine.com  7min #284054

 Gaza : le cessez-le-feu et le projet israélo/us d'un méga camp de concentration

Camps de concentration et expulsion : Gaza est le laboratoire d'un génocide privatisé


20 juin 2025 - Les attaques israéliennes et les pénuries médicales à Gaza mettent des vies en danger. Mariam Abu Daqqa, âgée de deux ans, dont le diagnostic n'a pas pu être posé en raison des soins limités, voit son état s'aggraver. Ses parents font tout leur possible pour qu'elle être soignée en dehors de Gaza - Photo : Doaa Albaz / Activestills

Par  Manu Pineda

La Fondation humanitaire de Gaza est le révélateur du rôle des mercenaires et des camps de concentration dans la stratégie sioniste de déplacement forcé.

Avec la création de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF) en février 2025, Israël atteint des nouveaux sommets de perversité dans l'instrumentalisation de l'aide humanitaire.

Sous couvert de distribution alimentaire, cette organisation, dirigée par d'anciens agents des services secrets américains et des mercenaires, sert le projet israélien de transformer Gaza en un archipel de camps de concentration du XXIe siècle.

Son objectif ultime : imposer l'« émigration volontaire » de la population palestinienne par la famine, la militarisation de la survie et le contrôle démographique colonial.

Anatomie d'une farce humanitaire

Origines et architecture du contrôle

La GHF est enregistrée au Delaware (États-Unis) et à Genève (Suisse) avec un financement opaque - dont 100 millions de dollars provenant d'un donateur européen présumé anonyme - et une direction étroitement liée au complexe militaro-industriel. Son premier directeur, Jake Wood, ancien tireur d'élite des Marines américains et fondateur de Team Rubicon, a démissionné, invoquant l'impossibilité d'opérer selon les principes « d'humanité, de neutralité et d'indépendance ».

Il a été remplacé par Johnnie Moore, un évangéliste sioniste et proche allié de Donald Trump, tandis que des personnalités telles que David Petraeus (ancien directeur de la CIA) soutiennent le modèle au sein de comités consultatifs.

Militarisation de l'aide

La distribution de l'aide est assurée par deux sociétés de sécurité privées :

  • Safe Reach Solutions (SRS), dirigée par Phil Reilly, ancien agent de la CIA en Afghanistan.
  • Solutions, dirigée par Jameson Govoni, ancien béret vert et auteur de publications explicitement anti-arabes.

Les deux sociétés recrutent des vétérans des forces spéciales à 1100 dollars par jour, équipés de fusils M4, de grenades et de drones. La « sécurité » dans les centres d'aide comprend la reconnaissance faciale et le contrôle biométrique, ce qui conduit souvent à des arrestations arbitraires.

Les camps de concentration du XXIe siècle : conception et violence

Déplacements orchestrés

La GHF a mis en place entre 4 et 8 centres de distribution exclusivement dans le sud de Gaza, tandis qu'« Israël » bombardait systématiquement le nord. Cela oblige 2,3 millions de personnes à parcourir jusqu'à 40 kilomètres sous les tirs militaires pour recevoir des colis alimentaires de 18 kg, une fois toutes les deux semaines.

Comme l'a déclaré un officier israélien au journal Haaretz : « Notre moyen de communication, ce sont les tirs. Nous ouvrons le feu [...] si quelqu'un s'installe pour attendre à des centaines de mètres de distance. »

Statistiques de la terreur

Entre mai et juin 2025, la GHF a signalé :

  • 549 Palestiniens tués et 4 066 blessés à proximité de ses centres.
  • 39 disparus après avoir été repérés par des systèmes de reconnaissance faciale.
  • Rien que le 3 juin, 27 personnes ont été tuées et 127 blessées par des drones israéliens qui larguaient des bombes sur la foule rassemblée dans des files d'attente baptisées « files d'attente de la faim ».

Mercenarisation : le capitalisme de surveillance appliqué au génocide

Privatisation du nettoyage ethnique

La GHF sous-traite les crimes de guerre à des entreprises privées, dégageant ainsi le régime israélien de toute responsabilité directe.

Le Center for Constitutional Rights (CCR) a lancé l'avertissement suivant : « La Fondation se rend complice de crimes contre l'humanité en coordonnant ses opérations avec l'armée israélienne, qui utilise la famine comme méthode de guerre. »

La technologie au service de l'apartheid

Des entreprises comme Palantir (fondée par Peter Thiel) fournissent des logiciels d'analyse de données pour identifier les Palestiniens « potentiellement affiliés au Hamas ». L'aide devient un moyen de chantage : seuls ceux qui partent et renoncent à la résistance politique sont autorisés à manger.

Continuité sioniste : du plan Dalet à la GHF

Le modèle GHF n'est pas nouveau, il s'agit d'une version actualisée du projet colonial sioniste :

  • Plan Dalet (1948) : nettoyage ethnique par massacres et expulsions.
  • Occupation de 1967 : checkpoints et fragmentation territoriale.
  • GHF (2025) : camps de concentration déguisées en « aide humanitaire » et gérés par des mercenaires.

Des ministres israéliens tels que Bezalel Smotrich ont été explicites : « Gaza sera détruite ; les civils seront envoyés vers le sud [...] et de là, ils émigreront vers des pays tiers. »

La GHF incarne le dernier stade du colonialisme : privatisé, numérisé, marchandisé et conditionné pour les donateurs occidentaux.

Complicité internationale active ou passive

États-Unis : sponsor direct

Le département d'État américain envisage d'allouer 500 millions de dollars à la GHF. Les mercenaires opèrent avec des passeports américains. Trump a promu ce plan dans le cadre de son projet « Gaza Riviera », qui vise à transformer Gaza en une zone dépalestinisée accessible aux investissements régionaux.

Europe : complice par omission

Alors que la Suisse a expulsé la GHF pour « militarisation de l'aide », l'Union européenne continue d'éviter de sanctionner « Israël », malgré les 57 000 Palestiniens tués directement par les bombes, dont 70 % sont des femmes et des enfants. Parmi les autres horreurs, on peut citer :

  • Plus de 77 000 enfants menacés de mort par famine.
  • Les dommages générationnels irréversibles dénoncés par l'OMS.

Nations unies : impuissance volontaire ou imposée

Alors que des agences telles que l'UNRWA sont discréditées par des accusations sans fondement, le GHF gagne du terrain. Jan Egeland (Conseil norvégien pour les réfugiés) l'a clairement exprimé : « Ils veulent remplacer un système universel par une aide militarisée qui repose sur le chantage au déplacement. »

Gaza, laboratoire nécrocapitaliste

La Fondation humanitaire de Gaza incarne la phase la plus avancée du plan Ben Gourion : « Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place [...] en recourant à la force si nécessaire. »

Aujourd'hui, la survie est devenue un privilège géré par des mercenaires et des algorithmes. « Israël » a déplacé son modèle d'apartheid des murs de Cisjordanie vers des camps de concentration et d'extermination sous couvert d'aide humanitaire.

Ce modèle crée un précédent mondial : n'importe quel État peut désormais externaliser le nettoyage ethnique à une ONG armée. Gaza n'est pas seulement une tragédie, c'est le terrain d'essai d'un nouvel ordre international basé sur la déshumanisation privatisée.

Quand l'aide humanitaire devient une arme

Les camps de transit et de concentration proposés par GHF, pudiquement appelés « zones de transit humanitaires », sont la colonne vertébrale d'un plan de 2 milliards de dollars visant à déraciner, déshumaniser et expulser la population palestinienne sous le couvert de l'aide humanitaire.

La GHF est le couronnement du génocide en cours qui est soutenu en pleine connaissance de cause par l'administration Trump. Sa mission n'est pas d'apporter de l'aide, mais de démanteler la souveraineté palestinienne et de consolider l'apartheid. Des termes issus du lexique colonial, tels que « déradicalisation » et « relocalisation », sont faussement présentés comme relevant de la gestion humanitaire.

Il n'y a pas de libre choix sous les bombes. Il n'y a pas de déplacement volontaire lorsque l'alternative est la mort.

Le dilemme éthique pour la communauté internationale

Allons-nous permettre que la philanthropie devienne une nouvelle arme génocidaire ?
Gaza n'a pas besoin de zones de transit. Gaza a besoin de justice, d'autodétermination et de liberté.

Auteur :  Manu Pineda

* Manu Pineda est un militant et homme politique appartenant au Parti Communiste d'Espagne (PCE). Très connu pour son fort engagement pour la Palestine, il est ex-député au parlement européen.

10 juillet 2025 -  Al-Mayadeen - Traduction :  Chronique de Palestine - Dominique Muselet

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