
Lundi [7 juillet], Donald Trump et Benjamin Netanyahu se rencontreront pour discuter des prochaines étapes de leur plan visant à « remodeler » le Moyen-Orient. Leur vision comprend l'élargissement de la normalisation, le désarmement des adversaires et la fin de toute aspiration palestinienne à la libération.
Le président américain Donald Trump semble avoir largement tourné la page iranienne et vise désormais à instaurer un « nouvel ordre » plus large au Moyen-Orient.
La vision de Trump consiste en un ordre régional centré sur Israël, qui prévoit la défaite de l'Iran et du Hezbollah et la normalisation des relations avec Israël dans toute la région, du Liban et de la Syrie à Oman et à l'Arabie saoudite.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui doit se rendre à la Maison Blanche lundi, se joint à lui pour concrétiser cette vision.
Bien que de nombreux obstacles puissent entraver la mise en œuvre de ce plan américano-israélien, il est clair que l'un des objectifs est de réprimer toute aspiration palestinienne à la liberté.
Les conséquences de l'attaque contre l'Iran
Trump n'a pas eu grand-chose à dire sur la décision de l'Iran de suspendre sa coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), se contentant d'une déclaration du département d'État qualifiant cette décision d'« inacceptable ».
Pour sa part, Trump a minimisé la poursuite des négociations avec l'Iran, affirmant qu'elles ne serviraient à rien, étant donné qu'il prétend ( à tort) que les frappes américaines ont « anéanti » le programme nucléaire iranien.
Dans le même temps, Trump fait pression sur le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour qu'il trouve une issue à sa guerre contre Gaza.
Il affirme qu'Israël a accepté une proposition américaine de cessez-le-feu de 60 jours qui prévoit le retour de dix captifs israéliens vivants et la restitution des corps de 15 captifs morts ou tués pendant leur captivité.
Israël n'a pas encore confirmé cette information, malgré des informations peu crédibles affirmant le contraire.
Il est difficile de savoir si le mouvement Hamas est prêt à accepter une telle proposition, étant donné qu'il a insisté sur le fait qu'il n'accepterait un accord que s'il prévoyait la libération de tous les otages en échange de la fin définitive du génocide perpétré par Israël à Gaza.
Ha'aretz a rapporté jeudi que le Hamas « était satisfait » des termes de la proposition américaine, mais sa source, le New York Times, ne faisait aucune mention d'une telle satisfaction.
Pourtant, l'administration Trump tente clairement d'obtenir un cessez-le-feu, et il y a de bonnes raisons de croire qu'elle souhaite mettre fin au génocide. La question de savoir jusqu'où elle ira pour atteindre cet objectif reste ouverte, mais il est également possible que Netanyahu se montre plus conciliant que par le passé.
La position renforcée de Netanyahu
À la suite des frappes contre l'Iran, Netanyahu se trouve dans une position politique plus forte qu'il ne l'a été depuis longtemps. Les sondages laissent supposer que ni lui ni l'opposition ne seraient en mesure de former une coalition si des élections avaient lieu aujourd'hui. C'est une situation familière pour Netanyahu.
Le problème auquel il est toujours confronté est celui des accusations de corruption pour lesquelles son procès n'en finit pas. L'intervention de Trump, qui a appelé à l' abandon des charges contre Netanyahu, est révélatrice à cet égard.
S'il est peu probable que l'appel de Trump incite le procureur général (que Netanyahu tente de limoger) à abandonner les charges ou que le président Isaac Herzog gracie Netanyahu (ce qu'il n'est pas certain de pouvoir faire sans qu'il soit d'abord condamné), il indique toutefois que Trump reconnaît la nécessité d'écarter ce procès de la route de Netanyahu.
Trump a certainement entendu Netanyahu lui dire qu'il ne pouvait pas interrompre son génocide à Gaza, car s'il le faisait, ce procès l'engloutirait et mettrait fin à son mandat de Premier ministre en Israël.
C'est le genre d'intérêt personnel que Trump comprend aisément. Mais il sait aussi que ses ambitions pour la région, qui reposent sur une expansion massive des accords d'Abraham et une normalisation généralisée entre les principaux États arabes et Israël, ne peuvent pas avancer tant que le génocide se poursuit.
Si le gouvernement Netanyahu reste en place jusqu'aux prochaines élections, prévues pour fin octobre 2026, il est possible qu'il les reporte s'il parvient à faire valoir que la « situation sécuritaire » l'exige.
Mais compte tenu de la diminution des capacités de l' Iran et du Hezbollah, de la chute de Bachar al-Assad et du fait que le Hamas et d'autres groupes palestiniens sont à la fois affaiblis sur le plan militaire et trop occupés à subir des bombardements et à mourir de faim pour constituer une menace sérieuse pour les citoyens israéliens, cela serait difficile à justifier.
Pour Netanyahu, tout repose donc sur la disparition du procès pour corruption. C'est moins crucial pour Trump, car ses plans seraient probablement soutenus par quiconque pourrait vaincre Netanyahu, qu'il s'agisse de l'ancien Premier ministre Naftali Bennett ou des leaders de l'opposition Yair Lapid ou Gadi Eizenkot (Benny Gantz, qui s'est opposé en dernier lieu à Netanyahu, a perdu beaucoup de terrain).
Mais la coalition qu'ils formeraient serait peut-être moins enragée, car elle ne compterait pas d'idéologues fascistes comme Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, ni de partis religieux qui les soutiennent, tels que le Shas et le Judaïsme unifié pour la Torah.
Elle compterait toujours de nombreuses figures d'extrême-droite, comme Bennett et Avigdor Liberman, mais ce serait une coalition à la fois un peu plus pragmatique que celle de Netanyahu et un peu moins en phase avec le populisme réactionnaire de Trump.
En plus de tout cela, le moment du triomphalisme après les frappes contre l'Iran est déjà passé. De plus en plus de gens prennent conscience du fait que les opérations contre l'Iran, bien que destructrices, n'ont de loin pas « anéanti » le programme nucléaire iranien.
Ces capitalistes qui s'engraissent grâce au génocide
Par contre, elles ont fait changer beaucoup d'esprits en Iran qui étaient réticents à se doter de l'arme nucléaire.
Bien que l'Iran respecte pour l'instant le Traité de non-prolifération nucléaire, sa décision de cesser de coopérer avec l' AIEA ouvre la voie à une sortie du TNP.
Les attaques contre l'Iran ont convaincu de nombreux Iraniens que seule une force de dissuasion nucléaire pourra empêcher de futures attaques d'Israël et des États-Unis.
Que veut Trump ?
Au lendemain de l'attaque américaine contre des installations nucléaires iraniennes, le principal médiateur de Donald Trump, Steve Witkoff, a laissé entendre que plusieurs nouveaux pays surprenants pourraient bientôt rejoindre les accords d'Abraham.
On ne peut que spéculer sur les pays auxquels Witkoff faisait référence, mais certains diplomates israéliens et arabes ont suggéré que l'Arabie saoudite pourrait être disposée à reprendre au moins les discussions sur la normalisation et que Oman pourrait être prêt à envisager des pourparlers de normalisation.
Ces deux scénarios ne se concrétiseraient que si le génocide à Gaza cessait.
Il y a également la Syrie. Ahmad al-Sharaa, le nouveau dirigeant du pays, n'a pas caché sa volonté de trouver un accord avec Israël. Pour Trump, cela signifie la normalisation.
Mais la situation sur place est bien plus volatile que Trump ne le pense. Il existe des obstacles majeurs à la normalisation avec Israël.
Au-delà du génocide en cours à Gaza, il y a la question en suspens du plateau du Golan.
Trump a peut-être reconnu la souveraineté d'Israël sur la partie du Golan qu'Israël a conquise avant l'armistice avec la Syrie en 1974, mais le reste du monde, et certainement le peuple syrien dans son ensemble, toutes ethnies et tendances politiques confondues, ne l'ont pas fait.
Al-Sharaa n'est pas dans une position très sûre en Syrie, c'est le moins qu'on puisse dire... La défiance à l'égard de son régime persiste dans le pays, ainsi que dans le monde arabe en général et en Occident.
Il y a quelques années, divers scénarios de compromis sur le Golan avaient été envisagés, principalement sous le régime de Hafez al-Assad. Mais cela fait de nombreuses années qu'aucune discussion de fond n'a eu lieu. Ces scénarios étaient controversés en Syrie à l'époque, et ils le seraient encore plus aujourd'hui.
Un accord avec Israël et le soutien américain qu'il apporterait seraient une bouffée d'oxygène pour l'économie syrienne en ruine, ce qui donnerait une certaine marge de manœuvre à al-Sharaa. La Syrie aurait proposé deux scénarios dans lesquels elle récupérerait une partie du Golan saisi par Israël avant l'armistice entre les deux États en 1974.
Israël devrait toutefois être prêt à faire ce compromis et à se retirer de tous les territoires qu'il a envahis après la chute de Bachar al-Assad et, bien sûr, à cesser toutes ses attaques en Syrie. La question de savoir si Israël serait prêt à le faire reste très ouverte.
Plus encore, al-Sharaa doit tenir compte de la réaction de l'opinion publique à un compromis sur une partie du Golan. S'il récupère une partie importante du Golan, cela pourrait suffire, compte tenu des besoins urgents de la Syrie et de la possibilité d'un accord pour y répondre. Mais le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa'ar, a récemment déclaré que « Israël applique ses lois au plateau du Golan depuis plus de 40 ans et que, dans tout accord de paix, le Golan restera une partie indissociable de l'État d'Israël ».
Le Liban a également attiré l'attention de Trump. Même dans ses moments les plus délirants, il est douteux que Trump puisse s'imaginer que le gouvernement libanais, très instable, puisse accepter des relations avec Israël, même si Israël se retirait des zones du sud du Liban qu'il occupe toujours et cessait ses attaques en cours (bien que rarement rapportées par les médias) au Liban.
Au contraire, Trump souhaite voir le Hezbollah entièrement désarmé, un objectif partagé par le nouveau président libanais, Joseph Aoun.
Mais alors qu'Aoun souhaite y parvenir progressivement, par le dialogue, afin de favoriser l'unité libanaise, Trump veut que cela se fasse rapidement et de manière à affaiblir visiblement le Hezbollah, non seulement en tant que force militaire, mais aussi en tant que puissance politique.
L'envoyé américain Tom Barrack a exhorté le gouvernement à agir rapidement pour désarmer le Hezbollah. Cela témoigne d'une impatience imprudente de la part de l'administration Trump, qui risque de compromettre les efforts déployés par le gouvernement libanais sous Aoun pour négocier le désarmement du Hezbollah et faire des Forces armées libanaises le seul défenseur du Liban.
Le Hezbollah a déjà fait part de son refus du plan américain. Il s'est déclaré prêt à engager le dialogue avec Aoun, mais sa position est qu'il ne désarmera pas.
Aoun devra négocier un accord pour le faire changer d'avis, voulant aussi que les progrès réalisés dans le désarmement du Hezbollah soient accompagnés de mesures prises par Israël pour mettre fin à son occupation du territoire libanais et à ses attaques régulières.
Israël, pour sa part, ne fait pas preuve d'une grande souplesse, exigeant le désarmement immédiat du Hezbollah, le retrait de ses forces encore plus au nord qu'elles ne le sont déjà, et indiquant qu'il ne renoncera pas à ses positions dans le sud du Liban, proposant de n'abandonner qu'un seul des cinq sites qu'il occupe.
Ce qui se profile derrière la visite de Netanyahu
Ce qui ressort de tout cela, c'est que Trump envisage que la Syrie rejoigne la Jordanie et l' Égypte parmi les voisins qui ont capitulé face à Israël, le Liban rejoignant ce groupe à l'avenir.
Si Oman peut être persuadé de rejoindre les accords d'Abraham aux côtés des États arabes du Golfe, Bahreïn et les Émirats arabes unis, cela ouvrirait la voie à l'adhésion de l' Arabie saoudite.
Avec ce que Trump considère comme un Iran humilié et contraint de rester en marge, cela créerait un Moyen-Orient dont le centre serait exclusivement israélien, à Jérusalem.
L'Iran, l' Irak et même le Yémen seraient contraints de composer avec un nouvel équilibre qui place Israël au premier plan, relègue les Palestiniens au second plan et incite fortement les États qui n'ont pas normalisé leurs relations avec Israël à trouver un compromis avec Israël et ses partenaires arabes.
Selon Trump, tout cela pourrait être accompli simplement en mettant fin au génocide à Gaza, sans exiger la création d'un véritable État palestinien ni aucune autre mesure de liberté pour le peuple palestinien.
Est-ce réaliste ? Certainement pas dans le délai envisagé par Trump.
Si le génocide prenait fin et qu'un certain nombre d'autres États normalisaient leurs relations avec Israël, les Saoudiens trouveraient une raison de se joindre à eux, moyennant des pots-de-vin suffisants de la part de Washington, comprenant probablement une aide au programme nucléaire saoudien et une augmentation significative des ventes d'armes.
Ils se contenteraient probablement d'une feuille de route même vague vers un État palestinien, mais sans exiger un engagement plus ferme envers un processus, comme ils l'affichent actuellement.
Mais en Syrie et au Liban, l'opposition serait énorme et très probablement soutenue par de nombreuses voix en Jordanie et en Égypte, et bien sûr en Iran, en Irak et au Yémen. La répression contre une telle solidarité devrait être draconienne, et il n'est pas du tout certain que la Syrie ou le Liban aient la capacité sécuritaire ou l'espace politique pour le faire.
En effet, abandonner les Palestiniens jusqu'à ce point, même si cela n'est peut-être pas sans précédent pour les dirigeants arabes, susciterait une indignation considérable en Jordanie et en Égypte et, au moins en Jordanie, pourrait très bien avoir des conséquences déstabilisatrices fatales.
Gaza : les partisans portent des coups sévères à l'occupant
Netanyahu pourrait être prêt à adopter cette vision à long terme lorsqu'il rencontrera Trump à Washington la semaine prochaine. Mais il sait que cela ne peut pas être réalisé à court terme. Il va plutôt poursuivre le génocide à Gaza jusqu'à ce que Trump finisse par l'obliger à temporiser.
Dans le même temps, la pression exercée par le parti Likoud de Netanyahu pour annexer la Cisjordanie s'intensifie, certains ultra-nationalistes appelant également à l' annexion de Gaza.
Netanyahu n'est pas susceptible d'approuver de telles mesures tant que les efforts de Trump pour normaliser les relations se poursuivent.
Mais si ces efforts échouent, Netanyahu sera prêt à annexer ces territoires. Il s'agit probablement d'un outil que Trump utilisera pour faire pression sur les dirigeants arabes afin qu'ils normalisent leurs relations avec Israël.
Dans tous les cas, quelle que soit la direction que prendront les événements, les Palestiniens sont une fois de plus condamnés à l' abandon.
La question est de savoir combien de temps les dirigeants arabes pourront contenir l'indignation dans toute la région et combien de temps les dirigeants occidentaux continueront d'ignorer et de réprimer la colère croissante suscitée par le soutien que nos gouvernements accordent à Israël.
Auteur : Mitchell Plitnick
* Mitchell Plitnick est le président de ReThinking Foreign Policy. Il est le co-auteur, avec Marc Lamont Hill, de Except for Palestine : The Limits of Progressive Politics. Mitchell a notamment été vice-président de la Fondation pour la paix au Moyen-Orient, directeur du bureau américain de B'Tselem et codirecteur de Jewish Voice for Peace.Son compte Twitter.
4 juillet 2025 - Mondoweiss - Traduction : Chronique de Palestine