22/08/2025 ssofidelis.substack.com  8min #288031

 «Un grand jour à la Maison Blanche» : Trump accueille Zelensky et ses partenaires européens

L'hystérie héritée de la guerre froide, c'est tout ce que les dirigeants européens en déroute ont à offrir

Le président Donald Trump rencontre le Premier ministre britannique Keir Starmer, la Premier ministre italienne Giorgia Meloni, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le chancelier Friedrich Merz, le président français Emmanuel Macron, le président finlandais Alexander Stubb, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le secrétaire général de l'Iran Mark Rutte. Crédit photo © Maison Blanche

Par  Craig Murray, le 22 août 2025

Il serait grand temps que la guerre en Ukraine prenne fin. Trop de vies ont été perdues, trop de corps mutilés, trop de lieux de vie détruits. Cependant, le cynisme déployé pour y parvenir est absolument stupéfiant.

À ma connaissance, il n'y a pas eu dans l'histoire moderne de spectacle équivalent à celui offert par les "dirigeants" européens à la Maison Blanche.

Ce n'est pas un hasard. L'art de la diplomatie existe bel et bien. De nombreux pays disposent de services diplomatiques majoritairement composés de personnes qualifiées. J'ai personnellement organisé deux visites d'État pour l'ancienne reine ainsi que des visites de chefs de gouvernement.

Ces événements se déroulent selon une chorégraphie rigoureuse, et il est absolument essentiel de présenter des rapports d'égalité entre les parties. Qui entre en premier, où et quand a lieu la poignée de main, la disposition des participants autour de la table, la taille des drapeaux : tout est planifié dans les moindres détails. C'est fondamental dans ce métier.

Si, par exemple, j'avais placé Robin Cook sur une chaise face à l'un de ses interlocuteurs assis derrière un bureau, j'aurais été vivement recadré. Et pourtant, nous voyons ici des chefs d'État européens et des dirigeants de l'UE assis devant le bureau du président dans le Bureau ovale.

C'est tout simplement inconcevable pour quiconque connaît les codes de la diplomatie. Je comprends très bien que cette image puisse ne pas déranger, elle me surprend toutefois.

Les relations de pouvoir inégales ne sont que la manifestation concrète de la capacité instinctive de Trump à déployer toute la brutalité de la realpolitik. L'accord en passe d'être conclu pour mettre fin à la guerre en Ukraine témoigne de la capacité de Trump à exploiter les avantages économiques pour les États-Unis, ou du moins pour la classe sociale américaine qu'il défend.

La présidence de Trump est marquée par une volonté non dissimulée de tirer parti des avantages considérables conférés par le statut de monnaie de réserve mondiale, à savoir la possibilité de générer de l'argent pour acheter ce que bon lui semble de pays tiers dont l'économie finit alors par dépendre de ce flux "de liquidités".

La guerre commerciale engagée par Trump illustre sa capacité à contraindre d'autres États à consentir d'importantes concessions, notamment à réinvestir des centaines de milliards de dollars dans l'industrie américaine, plutôt que de se voir imposer des droits de douane qui entraveraient l'exportation de leurs marchandises vers les États-Unis, en échange de dollars symboliques.

La monnaie de réserve n'est qu'une escroquerie. Elle fonctionne tant que le monde veut y croire. Le dollar commençait à s'éroder, et Trump a eu l'intelligence de miser sur une stratégie plus agressive pour perpétuer l'escroquerie.

Trump a indubitablement prolongé, ne serait-ce qu'un peu, la suprématie économique américaine.

L'accord sur l'Ukraine est une astuce du même ordre. Une partie des "garanties" de sécurité de l'Ukraine consiste à inciter les Européens à investir 100 milliards de dollars dans l'achat d'armes auprès des fabricants américains pour les livrer ensuite à l'Ukraine.

Les armes européennes ne sont pas incluses dans l'accord, et les États-Unis ne participeront pas à leur financement. Selon une source haut placée au sein du FCDO (ministère des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement), Keir Starmer aurait annoncé que le Royaume-Uni allait consacrer "bien plus" de 10 milliards de livres sterling à l'achat d'armes américaines pour l'Ukraine.

L'Europe, elle, espère financer cette transaction entre marchands de mort avec les avoirs russes gelés en vertu des sanctions. Ce plan se heurte pourtant à deux obstacles. Tout d'abord, les tribunaux internationaux pourraient ne pas accepter de telles transactions. Le second obstacle s'appelle Vladimir Poutine.

Je n'ai jamais adhéré à l'idée d'une Russie militairement invincible et sur le point de remporter une victoire rapide et facile. Je n'ai jamais cru non plus à la propagande absurde selon laquelle l'attaque désastreuse de la Russie sur Kiev ne serait qu'une ruse.

Mais la Russie est bel et bien en train de gagner, une issue prévisible d'emblée. La rhétorique délirante des dirigeants européens ces dernières semaines, y compris celle de Keir Starmer, semble ignorer cette réalité pourtant flagrante.

Les positions ukrainiennes à Donetsk sont désormais si intenables que Poutine peut désormais exiger des territoires qu'il n'a pas encore conquis, car tout le monde sait que la victoire est inéluctable et imminente.

Une realpolitik aussi impitoyable que celle pratiquée par Trump.

La délégation américaine en Alaska était composée de nombreux responsables issus du secteur des affaires, et non d'experts en politique étrangère ou militaire, soulignant ainsi l'importance des enjeux financiers dans cette tentative d'accord.

Poutine, en passe de remporter la guerre, insistera pour que les sanctions économiques soient levées et ne tolérera pas que les Européens achètent des armes américaines pour l'Ukraine avec de l'argent russe.

Comme le soutien à l'armée ukrainienne constitue un élément central des "garanties de sécurité" envisagées, des financements devront être trouvés.

Selon ma source au FCDO, le plan B, si l'idée de payer avec de l'argent russe échoue, consisterait à financer par des fonds privés l'achat par le Royaume-Uni d'armes américaines pour l'Ukraine. Ce point a fait l'objet de discussions approfondies.

Comme pour les avions qui décollent de Brize Norton, un consortium de fonds privés financerait l'achat d'armes pour l'Ukraine, qui seraient ensuite remboursées par le Royaume-Uni sur une période de vingt ans.

Ainsi, 10 milliards de livres sterling d'armement coûteraient finalement environ 38 milliards de livres sterling au Royaume-Uni. Oui, vous avez bien lu. BlackRock et Donald Trump font partie des nombreux investisseurs associés à ce projet en tant que bailleurs de fonds.

L'industrie de l'armement est bien sûr la plus corrompue de toutes : pots-de-vin, postes d'administrateur, contrats de services à des sociétés écrans, emplois post-retraite. Les politiciens adorent l'industrie de la défense.

Tous toucheront de jolies commissions grâce à ces 100 milliards de dollars américains destinés à l'armement. Regardez la fortune de Tony Blair. Revenez me voir dans dix ans, et nous reparlerons de la fortune personnelle amassée par chacun des individus présents sur la photo.

Zelensky est probablement celui qui en profitera le plus (même s'il a aussi des patrons à arroser).

J'explique en détail dans mes deux livres, Murder in Samarkand et The Catholic Orangemen of Togo, que les affaires internationales sont toujours guidées par le contrôle des ressources naturelles, mais aussi par les intérêts corrompus des politiciens dans les entreprises impliquées.

J'ai pu le constater de mes propres yeux avec le pétrole et le gaz en Ouzbékistan, ou encore avec le rutile et les diamants en Sierra Leone.

Avec Trump, ces motivations occultes sont mises en lumière. Nous assistons ainsi à une guerre qui semble, fort heureusement, toucher à sa fin, mais sur la base d'accords commerciaux ouvertement conclus.

Les dirigeants européens doivent se réjouir. L'argent permet d'acheter bon nombre d'indignités.

L'Ukraine ne pourra jamais récupérer la totalité de son territoire d'avant 1991 sans l'intervention de l'OTAN, qui aurait certainement dégénéré en conflit nucléaire.

Nous assisterons donc à une redéfinition des frontières, qu'elles soient de facto ou de jure, avec l'intégration de certaines régions russophones de l'est de l'Ukraine à la Russie, notamment la Crimée et la majeure partie du Donbass.

Le fait est qu'il n'y a jamais eu d'État ukrainien avant 1991, ni d'État dont les frontières aient ressemblé à celles de l'Ukraine de 1991. Pourquoi une vérité historique incontestable est-elle si choquante pour certains ?

L'Ukraine finira par se réduire, et se rapprocher de l'Occident. Cela semble réjouir les Ukrainiens qui souhaitent s'aligner sur ce dernier. Le pourcentage du territoire ukrainien que la Russie est susceptible de conserver - moins de 20 % - correspond à peu près au pourcentage de la population ukrainienne favorable à une adhésion à la Russie.

Un accord de paix, s'il est conclu, est sans aucun doute préférable à la poursuite de la guerre. Il satisfera un peu moins les nationalistes ukrainiens que l'accord proposé en Turquie il y a plus de deux ans mais rejeté par l'OTAN.

Puissent les Ukrainiens avoir compris que sacrifier toute une génération pour l'OTAN n'est pas la voie à suivre !

Les dirigeants européens continuent de pérorer en menaçant Poutine de nouvelles sanctions si aucun accord n'est trouvé. C'est peine perdue. Moscou s'en moque. Ces gesticulations sont sans effet sur l'avantage militaire actuel de Poutine.

J'aurais voulu croire que la paix en Ukraine réduirait l'hystérie russophobe en Europe. Mais en réalité, cette campagne hystérique héritée de la guerre froide est tout ce qui reste à ces dirigeants européens en déroute pour terroriser et contrôler leurs populations appauvries et en colère.

Un discours pourtant de moins en moins convaincant.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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